La Mano Negra Romain Molina

La Mano Negra – Ces forces obscures qui contrôlent le football mondial

Edité par Hugo Doc et sorti le 15 novembre 2018, La Mano Negra nous invite le temps d’une lecture à détourner le regard du terrain pour se plonger dans les coulisses du football mondial. L’occasion de découvrir l’industrie du ballon rond sous un autre angle : celui des supers-agents. L’ambition de son auteur, Romain Molina ? Nous montrer que le football, bien plus qu’un simple jeu, oriente et influence tous les aspects de notre société.

Editeur : Hugo Doc
Sortie : Novembre 2018
Auteur : Romain Molina

La Mano Negra – Notre avis

Rappeler que le football est une industrie qui génère des milliards de dollars relève désormais de l’évidence. Tout le monde le dit, tout le monde le sait. D’aucuns s’en lamentent, d’autres s’en réjouissent ; la plupart font avec et préfèrent se concentrer sur ce qu’ils estiment être l’essentiel : le foot. Penser ainsi, c’est omettre l’une des facettes les plus importantes du sport que nous aimons : l’influence politique et géopolitique des décideurs du monde du football. Et surprise, ils ne sont pas forcément ce que l’on croit ! C’est l’envers du décor de l’industrie que se propose de raconter l’auteur de La Mano Negra, judicieusement sous-titrée « Ces forces obscures qui contrôlent le football mondial ».

L’envers du décor du football mondial

Romain Molina n’en est pas à son coup d’essai. Déjà auteur de quatre livres – Galère Football Club, Génération Parker, et des biographies de Unai Emery et d’Edison Cavani, tous édités chez les éditions Hugo Sport –, le journaliste et écrivain, exilé par choix au fin fond de l’Andalousie loin des rédactions et médias parisiens, ne s’est pas facilité la tâche avec son cinquième ouvrage. S’attaquer aux affaires des « supers-agents », terme nouveau qui désigne ces agents qui font et défont les transferts, nouent et dénouent les situations les plus diverses tant au niveau des clubs que des Etats, il fallait oser. Car le peu de place qu’occupe cette partie de l’industrie dans les médias, qu’ils soient généralistes ou sportifs, n’est pas la conséquence d’un manque d’intérêt de leur part ni même du public, mais résulte plutôt de l’extrême opacité de ce business.

la mano negra couverture

Le diable se cache dans les détails

Ils s’appellent Juan Figer, Boris Berezovsky, Kia Joorabchian, Pini Zahavi… Ils sont presque tous inconnus du grand public, leur influence est considérable. De l’incursion des oligarques russes au transfert de Neymar, leur marque est partout. Ils n’en demeurent pas moins des hommes, raison pour laquelle l’auteur choisit comme fil conducteur de son enquête leurs histoires, à la fois personnelles et professionnelles, forcément hors du commun. Chacun des chapitres présente ainsi un nouveau protagoniste, à la personnalité et aux caractéristiques différentes. Le cadre change, les nationalités et les continents défilent. Les accents sont successivement uruguayens, argentins, russes, iraniens. Tout est pourtant lié. Les histoires de ces individus hors-normes s’ajoutent les unes aux autres, se mêlent et se complètent. Au fil du récit, Romain Molina dresse, documents et interviews à l’appui, une véritable toile d’araignée d’intrigues qui illustre et éclaire les grands évènements de l’histoire du football.

la mano negra extrait

Une enquête aux allures de thriller

Spoiler alert : tout n’est pas rose dans le monde du football. Blanchiment d’argent, corruption, réseau de prostitution, menace de mort et montages financiers plus que limite : tout y passe. L’envie de tout mentionner ici est forte, mais trop en dire serait gâcher. Les situations invraisemblables s’enchaînent et l’effet de surprise, que tout lecteur de polars, de thrillers ou de romans d’espionnage connaît, se doit d’être respecté. Une chose est certaine : l’auteur démontre son talent à nous maintenir en haleine tout au long de son enquête. Jouant avec la connaissance du public de certaines affaires, Romain Molina alterne les affaires ayant fait les gros titres et les récits plus confidentiels. Le rachat très médiatique de Chelsea par l’oligarque russe Roman Abramovich et la prise de Neymar du PSG au Barça côtoient les affaires plus confidentielles de faux transferts – et de vraies commissions ! – de joueurs d’Amériques du sud. La Mano Negra en atteste, tout est souvent affaire de dosage.

Pas de méprise, tout n’est pas noir non plus. Seules les mauvaises histoires sont purement et simplement manichéennes, et raconter l’industrie du football uniquement à l’aune de ses plus sombres aspects n’aurait pas été honnête. Parce que le football a aussi ses belles histoires – celle de Jorge Cyterszpiler, représentant et ami de Diego Maradona, en faisant indéniablement partie –, il ne fallait pas les oublier. Un écueil évité par l’auteur qui se permet de cette façon quelques moments de respirations salutaires.

La Mano Negra quatrième de couverture

La Mano Negra, un premier coup d’éclat pour Romain Molina

👍 Points positifs

  • Sujet nécessaire et important à traiter 
  • Une enquête riche et détaillée
  • Eclaire notre vision du football

👎 Points négatifs

  • Parfois un peu brouillon
  • L’envie d’en savoir encore plus !

⚖️ Notre avis final

La plume de l’auteur est sobre, l’écriture, journalistique. Et si quelques jolies descriptions viennent égayer le récit – les histoires se tenant dans des cadres aussi variés qu’originaux, il aurait été dommage de se priver –, c’est grâce à son contenu que La Mano Negra mérite d’être lu. L’enquête est riche. Très riche. Les détails fourmillent. Les personnages, les lieux et les noms s’enchaînent. La lecture doit donc en être a minima attentive sous peine d’en ressortir les idées peu claires et la pensée un peu brouillonne. La faute n’incombe pas nécessairement à l’auteur : la réalité étant complexe, il aurait été difficile de la simplifier sans risquer de la dénaturer.

Sans nul doute, le travail requis pour élaborer un tel livre est conséquent. Mais cela a payé. Tout juste sera t-on légèrement frustré de ne pas en apprendre plus sur certaines personnalités absentes du livre – on pense notamment aux agents Mino Raiola et Jorge Mendes, têtes d’affiches et figures incontournables dès lors qu’il est question d’agents de joueurs. Cela dit, le choix de mettre en lumière des individus inconnus se comprend et se respecte. Avec La Mano Negra, Romain Molina fait incontestablement son entrée dans le cercle des auteurs qui comptent en matière de football. Son style sans concession et sa volonté de partager une vision différente du football font de lui un écrivain nécessaire. Pour preuve, la préface de l’ouvrage signée Denis Robert, grande ponte du journalisme d’investigation, symbole de l’adoubement de son cadet qui marque son entrée dans la cour des potentiels futurs grands.

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Juriste aspirant avocat, passionné de journalisme, de foot et de culture qui a trouvé chez Livre-foot le parfait endroit pour lier les trois. Ex-nantais momentanément expatrié à Limoges.

Thibault, de Livre-foot.fr

Rédacteur principal

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